Député de la cinquième circonscription de la Charente-Maritime - Conseiller municipal de Royan

Edito

Voici la tribune que j’ai co-écrite dans les Echos, un acte essentiel pour pouvoir financer l’effort de guerre.

Alors que le budget de la défense est en train d’être débattu à l’Assemblée nationale, ces parlementaires défendent le droit d‘utiliser les placements des Français, comme le Livret A, afin de financer l’industrie de défense. « Le financement de l’industrie de défense est une condition essentielle à la préservation de notre souveraineté. » À quoi sert le secteur financier ? À transformer l’épargne de court terme en investissement de long terme. Soutenir l’économie de défense fait donc partie intégrante de ses missions. À l’heure où la Nation fait face à des menaces majeures, et dès lors que l’investissement dans notre outil de défense doit être adapté en conséquence, être conscient de ce rôle est une responsabilité sociale déterminante pour les établissements financiers.

Or, depuis plusieurs années, nous, parlementaires, alertons sur la trop grande frilosité bancaire à financer l’industrie de défense. Si nos travaux ont permis de faire émerger un débat salutaire, ils n’ont pas encore conduit à une réponse suffisante des institutions financières.

Pour cela, plus que de volonté, il faut des moyens. Le Parlement a ainsi proposé la mobilisation d’une partie de l’épargne collectée par les Livrets A et les Livrets de développement durable et solidaire (LDDS). En reprenant cette idée à son compte dans le projet de loi de finances pour 2024, le gouvernement confirme l’intérêt et la nécessité de la mesure. Revenons sur les raisons qui la justifient.

Bouleversements géopolitiques :
‌Notre sécurité est aujourd’hui menacée par les bouleversements de l’ordre international et le retour de la guerre aux portes de l’Europe. Nos sociétés, nourries aux promesses des dividendes de la paix, redécouvrent le tragique des champs de bataille et les exigences industrielles des conflits à grande échelle. Les limites atteintes par notre soutien à l’effort de guerre d’un pays ami agressé en témoignent : sans réinvestissement de notre part, le risque est celui du désarmement des démocraties face aux despotismes.

La loi de programmation militaire 2024-2030 prévoit de rééquiper nos armées, mais la commande publique ne suffit pas : il faut aussi une base industrielle et technologique de défense (BITD) renforcée, qui puisse innover et qui produise plus et plus vite, pour redevenir capable de répondre aux exigences d’une économie de guerre.

Mesure d’intérêt général
‌Face à ces constats, qu’avons-nous proposé ? Une mesure simple : rendre éligible nos PME et ETI de défense au financement par les encours non centralisés du Livret A et du LDDS, gérés par les établissements bancaires. Cela n’affecte en aucun cas le financement du logement social qui repose sur les fonds centralisés par la Caisse des dépôts , soit 59,5 % des encours des livrets précités.

C’est aussi une mesure d’intérêt général : le financement de l’industrie de défense est une condition essentielle à la préservation de notre souveraineté. Alors que 90 % de nos équipements militaires sont produits en France, c’est une évolution utile pour renforcer nos armées, mais aussi pour consolider nos entreprises de défense, tant en matière d’exportation, de croissance et d’innovation que d’emplois. Rappelons que l’économie de défense dépend plus de 240.000 salariés.

C’est enfin une mesure pour faire bouger les lignes : mobiliser l’épargne la plus populaire, c’est impliquer tous les citoyens mais aussi les établissements financiers à développer une large politique de soutien à l’industrie de défense.
Cela dépasse les seules limites de l’épargne réglementée. C’est un levier pour inverser la logique actuelle : demain, on devra trouver naturel qu’une banque refusant de financer la BITD s’expose à un risque d’image, et non l’inverse comme aujourd’hui. Et bien entendu, cette mesure fera l’objet d’une évaluation en 2026.

Sécurité de la société
‌Et si d’aucuns s’aventurent à opposer politique sociale et sécurité collective, ils se méprennent. Pas de développement durable ou social sans sécurité. Pas de sécurité sans financement de l’économie de défense. Plus l’épargne des Français y contribuera, plus notre société sera robuste, durable et souveraine.

À terme, il sera indispensable de trouver des relais au niveau européen, notamment en incitant la Banque Européenne d’Investissement (BEI) à intervenir résolument auprès de la BITD. En continuant aussi d’alerter les institutions européennes sur la juste définition des critères réglementant les investissements durables et socialement responsables. Ils ne devront méconnaître ni les intérêts de défense, ni freiner indûment l’accès de PME de la BITD aux financements dont elles ont besoin pour développer des solutions qui in fine, irriguent également le secteur civil. Ainsi, c’est grâce à la mobilisation de tous que nous pourrons bâtir, même dans un monde incertain, une société durable.

Les signataires :
Thomas Gassilloud, Président de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale.
Cédric Perrin, Sénateur du Territoire de Belfort, Président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
Christophe Plassard, Député, Rapporteur spécial du budget de la défense.
Jean-Louis Thiériot, Député, Vice-Président de la commission de la défense et des forces armées.
Pascal Allizard, sénateur du Calvados, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Gisèle Jourda, Sénatrice de l’Aude, vice-présidente de la commission des affaires européenne.
Hélène Conway-Mouret, sénatrice représentant les Français établis hors de France, vice-présidente de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armée.
Hugues Saury, sénateur du Loiret.